SHIVALI - On a qu'à faire comme d'habitude ?

J'avais mis les pieds à La Marina pour la première fois il y a quelques années déjà, alors qu'on y avait vu Jay Z et Beyoncé. Et en tant que grande fan de ces deux empires de la musique, je n'avais pas eu le choix que d'aller y jeter un oeil. C'était devenu un de mes endroits préférés de New York. Pas le plus chic, mais l'ambiance y était super, la vue imprenable, et les barmans sympathiques et pas désagréables à regarder. C'était toujours un plus.

Ce soir, j'avais rendez-vous avec une amie qui avait un grand besoin de décompresser après une longue semaine de travail. Je lui avais suggéré cet endroit car on pouvait profiter de l'ambiance sans être obligé de se crier dessus à cause que la musique était trop forte, comme c'est le cas dans beaucoup de bars de New York. Non, La Marina était l'endroit idéal pour passer une soirée entre amis, discuter et avoir du plaisir authentique. Et qui sait, peut-être un jour trouver l'homme idéal. Mais ce soir n'était pas pour partir à la chasse à l'homme. Mon amie semblait préoccupée lorsque nous nous étions parlé la veille afin de déterminer l'heure à laquelle nous allions nous rejoindre ce soir. J'avais crû comprendre qu'elle avait beaucoup de pression au bureau, donc besoin d'un drink bien alcoolisé. Et quoi de mieux que La Marina pour boire un cocktail bien dosé.

En passant la porte, j'étais ravie de voir que Marcus était derrière le bar. Il discutait avec une femme qui semblait lui raconter quelque chose d'un réel ennui. Mon arrivée tombait pile poil, j'allais pouvoir le sauver de cette situation. Je plaignais souvent les barmans obligés de faire la conversation à des clients qui n'avaient rien d'autre à faire que se morfondre en buvant leur verre. Certains étaient moins courtois que d'autres, mais Marcus savait toujours quoi dire pour ne pas avoir l'air de celui qui se fout éperdument de ce qu'on lui raconte. Même lorsque c'était le cas. Comme maintenant.

Alors que je m'approchais du bar, il me vit approcher. Il s'appuya sur le comptoir avec son petit air taquin, puis m'adressa la parole, accompagnée d'un clin d'oeil et d'un sourire en coin.

- Madame!? J'ai l'air si vieille que ça? répondai-je à sa remarque en guise de salutations, sourcils froncés et l'air faussement vexée.

- Je prendrais une bière blanche s'il-te-plaît, ajoutai-je en lui renvoyant son clin d'oeil et en caressant rapidement de la main son bras gauche avant de m'installer au comptoir. Flirter avec les barmans était un de mes hobbies, je ne pouvais rien y faire. Et ils me le rendaient bien la plupart du temps.

Sans avoir le temps d'ajouter un seul mot, mais en lui faisant tout de même un signe de tête pour lui montrer qu'il l'avait entendue, Marcus s'éloigna rapidement, rappelé par la cliente à l'autre bout du comptoir. La femme avait l'air d'être dans un état assez avancé en alcool. À une heure pareille, c'était désolant. Le fait qu'elle soit seule au bar ne faisait qu'ajouter à la misère qui émanait d'elle. J'espérais seulement qu'elle n'ait pas envie d'engager la conversation. Je suis facile d'approche et je ne juge pas les gens, mais les inconnus ivres dans un bar me mettent mal à l'aise. Qui ne le serait pas?

En attendant le retour de Marcus, j'avais sorti mon téléphone pour consulter mes courriels. J'avais un message de la part d'un client pour un nouveau contrat de traduction, et plusieurs autres pour des offres dans des boutiques où j'avais l'habitude de magasiner. Ma boîte de réception était surtout remplie d'infolettres annonçant des soldes ici et là, que je finissais souvent pas mettre à la corbeille. Je suis une shopaholic, mais je ne jette pas non plus mon argent par les fenêtres. Marcus réapparut peu de temps après et fit semblant de ne pas me connaître, continuant ainsi la petite blague. C'était toujours ainsi entre nous. Il fût ensuite faussement offensé d'avoir sorti des verres à cocktail pour rien puisque j'avais commandé une bière, contrairement à mon habitude.

- Peut-être plus tard pour le cocktail mon chou. Je vais commencer par quelque chose de léger.

Est-ce qu'une bière était vraiment plus légère qu'un cocktail? Je n'aurais pu dire. Mais j'avais envie d'une blanche bien froide, avec ce petit mélange d'agrumes délicieux. Et si je décidais de commander un petit truc à manger, c'était toujours meilleur avec un drink pas trop sucré. Marcus mentionna que j'avais bien choisi mon soir car ça s'annonçait calme. Tant mieux! Mon amie et moi pourrions passer une soirée tranquille à papoter. Il me demanda ensuite d'un air défiant si j'attendais quelqu'un.

- Oh j'ai une date... avais-je répondu en marquant une pause pour créer du suspense et ainsi taquiner Marcus. Avec une amie, of course! Elle doit me rejoindre ici dans une trentaine de minutes, alors je me suis dit que j'en profiterais pour venir discuter avec mon barman favori avant qu'elle arrive.

J'avais prononcé cette dernière phrase en plongeant mon regard dans celui de Marcus, puis j'ai pris une petite gorgée dans mon verre.

- Et en même temps je viens te sauver, avais-je ajouté en faisant un subtil signe de tête en direction de la femme au bout du comptoir, qui avait maintenant le regard perdu dans le vide.